Depuis plusieurs mois, nous vous alertons sur les risques que vous pouvez encourir à rester trop exposé sur la zone émergente. Nous ne modifions pas notre point de vue : les risques qui pèsent sur les quatre pays regroupés sous l’acronyme BRIC, et plus particulièrement sur la Chine, ne sont pas à négliger malgré un discours ambiant qui verse dans un optimisme béat. La restriction dans l’accès au crédit devrait ainsi peser sur le parcours des BRIC. Selon plusieurs analystes, le pic de croissance des émergents serait désormais derrière nous : la Chine semble déterminée à faire dégonfler la bulle immobilière tandis que l’Inde et le Brésil ont entamé un cycle de relèvement des taux d’intérêt. Au plan purement boursier, ces informations ont-elles été prises en considération ? Manifestement oui : ainsi et depuis leur récent sommet touché en avril, la place boursière indienne a cédé 7 %, son homologue brésilienne 14 % tandis que les indices de référence chinois et russe abandonnaient tous les deux 20 %.
Chine : l’exubérance
Un responsable du gouvernement chinois a indiqué récemment que les exportations du pays avaient augmenté de 50 % au mois de mai et sur une année. La Bourse de Shanghaï saluait aussitôt cette annonce par un bond de 3 %, oubliant que l’inflation, dans le même temps, ressortait à 3,1 %. Voilà de quoi alimenter le débat sur les pressions inflationnistes à l’heure où les revendications salariales se font plus prégnantes (les grèves se multiplient dans « l’usine du monde »). Du côté de l’immobilier et de la construction, qui compte rappelons-le pour environ 40 % du Produit intérieur brut (PIB) chinois, aucune accalmie n’est à noter malgré les mesures – bien peu contraignantes il faut l’avouer – mises en place par le régime (voir PU n° 2419, page 11). à cet égard, l’inquiétude touche les dirigeants du pays. Ainsi, Li Daokui, membre du comité de politique monétaire de la Banque populaire de Chine, estimait dans un entretien accordé au Financial Times que « le problème du logement en Chine est plus important que celui du marché immobilier aux états-Unis avant la crise financière ». Et ce dernier de pointer du doigt les problèmes sociaux « de grande ampleur » auxquels pourrait conduire cette situation. Voilà un avertissement dont il conviendra de se souvenir. Pour ce qui est enfin de la réévaluation de la monnaie que l’Occident appelle de ses vœux de manière appuyée, la prudence reste plus que jamais de mise. Il est vrai que la chute de l’euro a entraîné mécaniquement une appréciation du yuan. Si les exportations de l’ex-Empire du Milieu n’en ont guère souffert pour l’instant (voir plus haut), nul doute que les partisans d’un statu quo y trouveront là l’occasion de donner de la voix.
Inde : attention aux déficits
Face à la crise économique mondiale, les autorités indiennes avaient pris d’importantes et dispendieuses mesures visant à soutenir l’activité. En conséquence, les déficits publics ont fortement augmenté pour désormais atteindre 6,8 % du PIB, soit un plus haut depuis seize années. En fait, le véritable problème du pays repose sur la manière dont ces déficits se sont creusés : le gouvernement a ainsi privilégié les subventions directes aux investissements structurants et porteurs de croissance. Voilà qui pourrait donc peser, à terme, sur le dynamisme du pays et qui explique l’inquiétude qui se fait jour parmi les conseillers du Premier ministre. Pour l’heure toutefois, la croissance reste au rendez-vous : le PIB a ainsi progressé de 7,4 % en une année au mois d’avril pour des projections faisant état d’une hausse de l’activité de 8,5 % pour l’exercice suivant. Le pays a poursuivi son resserrement monétaire avec une 2ème hausse en avril : même s’il s’agit là d’une certaine « normalisation », ce mouvement accélère le retournement des indicateurs avancés et devrait peser sur les projections de bénéfices des entreprises. Un soutien qui risque de manquer à la Bourse de Bombay.
Brésil : éviter la surchauffe
La Chine n’est pas le seul pays à craindre que son économie ne s’emballe. Le Brésil, qui est parvenu à échapper à la récession, s’attelle également à éviter la surchauffe alors que les économistes tablent sur une croissance du PIB de 7 % en 2010. Des coupes budgétaires ont ainsi été annoncées pour une réduction des stimuli étatiques de l’ordre de 1 % du PIB. L’inflation, qui avoisine pour l’heure les 5 %, est d’ailleurs surveillée comme le lait sur le feu. Un nouveau cycle de politique monétaire restrictive a été engagé alors que le principal taux d’intérêt était relevé de 8,75 % à 9,5 %. Des tours de vis supplémentaires sont à attendre dans les prochains mois si la croissance s’approche des 7 %. Ce virage s’annonce difficile à négocier mais reste nécessaire : un pays dont l’activité croît trop vite crée des déséquilibres
(financiers, sociaux) qui peuvent entraîner de violents ajustements. Et si le Brésil a encore les faveurs des investisseurs, une certaine méfiance pourrait très vite s’installer chez eux.
Russie : attention aux déficits
Pour la 14ème fois en une année, la Russie a abaissé ses taux d’intérêt. En estimant que les conditions actuelles de politiques monétaires permettaient au pays de soutenir la croissance tout en réduisant les pressions inflationnistes, la banque centrale a indiqué vouloir opérer une pause dans ses ajustements monétaires. Ce stimulus vise à encourager l’endettement destiné à relancer la machine économique. Pour l’heure, les résultats ne sont toutefois guère significatifs. Les autres indicateurs de la reprise tant espérée donnent par ailleurs une vision très contrastée de la situation. Voilà qui ne plaide guère pour un rebond de la Bourse.
Notre exposition aux zones émergentes reste minimale et réduite à zéro pour ce qui est de la Chine.