À écouter les constructeurs automobiles récemment réunis au Mondial 2010 à Paris, le pire fait désormais partie du passé pour le secteur. Tous estiment avoir compris les nouvelles attentes des consommateurs et opéré la mutation nécessaire pour y répondre. Les groupes français vont également de l’avant et font le pari de l’électrique. Tout irait ainsi pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Nous avons encore quelques doutes.
Quelles restructurations ?
Suite à la dernière crise financière et économique, le secteur automobile a bénéficié d’un soutien étatique en Europe comme aux États-Unis. Un vaste système de primes à la casse était ainsi mis en place en Europe de l’Ouest pour encourager les consommateurs à acheter des voitures neuves et permettre aux constructeurs de réduire leurs stocks d’invendus. Cette mesure a certes permis d’amortir la chute de la demande... mais elle retarde d’autant une éventuelle et « réelle » reprise. Beaucoup de ménages ont anticipé leur achat pour profiter de l’effet d’aubaine : ils ne vont pas revenir dans les concessions avant plusieurs années. Dans ce contexte, une baisse des ventes d’environ 7 % à 9 % en 2010 puis de 5 % en 2011 est attendue en Europe de l’Ouest. La dynamique est donc loin d’être porteuse.
La stratégie des constructeurs aura été de faire croire aux États que leurs difficultés étaient conjoncturelles et non structurelles. Compte tenu de leur poids économique, notamment en termes d’emplois, ils ont obtenu d’importantes aides. Comme l’a si bien souligné Bernard Julien, directeur du Gerpisa, un centre de recherche consacré à l’automobile, le secteur bénéficie, au même titre que les grandes banques, de la protection implicite liée à la règle du « Too big to fail » (trop gros pour faire faillite). Malheureusement, les difficultés des constructeurs restent structurelles et la crise aurait dû accélérer la restructuration comme la transformation du secteur. Or, il n’en a rien été. Les réductions de coûts n’ont en aucun cas été massives et le changement stratégique n’a pas eu lieu. Les constructeurs continuent de sortir des modèles bourrés de technologie mais de plus en plus chers, qui nécessitent de lourds investissements et sont impossibles à rentabiliser sans d’importants volumes. Reste que les ventes en Europe comme aux États-Unis pourraient justement ne pas retrouver leurs niveaux de 2007 avant quatre à cinq ans. Sur le Vieux Continent, les capacités de production restent ainsi inutilisées à hauteur d’un tiers. Selon certains, la solution serait de mettre le cap sur les marchés émergents où la demande est forte. Sauf que les autorités locales ont tout autant envie de soutenir leurs constructeurs nationaux. Ces derniers maîtrisent déjà la technologie et vont constituer une menace concurrentielle importante.
Le cas des constructeurs français
Renault et PSA (Peugeot et Citröen) souffrent de leur côté d’un positionnement en entrée de gamme où les marges sont les plus faibles. Dès lors, Renault a choisi de jouer la carte du low-cost (« bas coûts ») en développant l’offre de Dacia, concentrée sur les éléments basiques, tandis que PSA tente de capter les hauts-revenus désireux d’acquérir des citadines en faisant renaître la marque DS. Les deux font également le pari de l’électrique. Un pari osé alors que de nombreuses difficultés se font jour. Les prix de vente et/ou de location de la batterie ne justifient pas l’éventuelle économie d’énergie, l’autonomie est encore limitée, les constructeurs ne se sont pas mis d’accord sur un format standard de recharge et le modèle n’est pas viable sans subventions...
Il est trop tôt pour revenir sur les titres des constructeurs qui ne sont pas, selon nous, capables de vivre sans aides publiques. L’électrique reste pour sa part très risqué. Plus globalement, nous estimons qu’une restructuration est encore nécessaire et que le nombre de constructeurs doit se réduire.
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