mercredi 23 février 2011

Des réserves de pétrole surévaluées ?

Nous savons que la constitution des prix du pétrole répond à des données nombreuses. Celles-ci sont ainsi et entre autres d’ordre géopolitique, comme nous le constatons actuellement. Au-delà de l'incertitude politique actuelle, l’offre et la demande n'en restent pas moins au cœur même du processus de fixation des prix. Or à ce sujet, les interrogations sont également nombreuses. Si la demande au plan mondial croît régulièrement et d’autant plus dans le contexte d’émergence économique de toute une partie du globe, l’offre est quant à elle soumise à des incertitudes, orchestrées ou non. En effet, un certain doute plane sur l’ampleur des réserves mondiales de pétrole. C’est ainsi que les dernières révélations du site Wikileaks sont venues accentuer les critiques adressées jusque-là par certains spécialistes seulement. Selon un des télégrammes diplomatiques américains dévoilé sur Internet, les réserves de pétrole de l’Arabie Saoudite auraient été sciemment surévaluées et s’avéreraient insuffisantes pour éviter, à terme, une envolée durable des cours du brut. Ainsi et selon Sadad al-Husseini, ancien responsable de l’exploration de la compagnie nationale saoudienne Aramco, cette dernière aurait surévalué ses réserves de 300 milliards de barils en indiquant disposer de l’équivalent de 716 milliards de barils. Voilà qui n’est pas rien, si ces faits s’avèrent exacts. Evidemment car le sujet est particulièrement sensible, Sadad al-Husseini a aussitôt démenti cette information pour indiquer que ses propos avaient été reproduits de manière incorrecte. Quoi qu’il en soit, car il est toujours très difficile de faire la différence entre les réserves prouvées et celles qui sont estimées et parfois non-exploitables, les spécialistes du secteur s’accordent sur un fait important : l’Arabie Saoudite n’a actuellement plus les moyens de faire descendre les cours du pétrole en cas d’envolée. Nous allons probablement et très bientôt nous en rendre compte et en faire l’amère expérience.

mardi 22 février 2011

Cette inflation que l'on nous cache

Depuis maintenant quelques jours, les investisseurs évoquent le retour d’un phénomène négligé par la majorité des économistes et des politiques : l’inflation. Les indicateurs tant américains qu’européens laissent en effet transparaître une remontée des prix. Sur le Vieux Continent, leur évolution dépasse désormais « l’objectif » de la Banque centrale européenne, soit 2 %. êtes-vous surpris par cette tendance ? Probablement pas. En tant que consommateur, vous avez pu constater une tension sur les prix dès 2010 alors même que la stabilité des baromètres inflationnistes incitait les prévisionnistes à évoquer des risques de désinflation, voire de déflation. Ce qui a mis les experts sur la mauvaise voie tient en réalité à leur mémoire défaillante et à leur manque d’indépendance. Pour commencer, tous se basent sur ce qu’ils appellent « l’inflation sous-jacente ». Un terme technique qui leur permet de calculer la hausse des prix en excluant ceux de l’énergie et de l’alimentaire, deux postes pourtant quotidiennement prioritaires et difficilement compressibles... Or, l’argument captieux qui tend à privilégier l’inflation sous-jacente à l’inflation réelle remonte en réalité aux années 1970. Arthur Burns, alors Président de la Réserve fédérale, cherche un moyen de justifier la politique ultra-accommodante qu’il mène en termes de taux d’intérêt. Son objectif : ne pas gêner la réélection de Richard Nixon qui arrive au terme de son premier mandat. Ce dernier estimait en effet que sa défaite au scrutin de 1960 avait un lien avec la politique restrictive menée alors par la banque centrale américaine. M. Burns se charge alors de retirer l’énergie et l’alimentation, dont les prix dépendent de phénomènes « trop exogènes » selon lui, du taux d’inflation de référence. Depuis, cette création reproduite partout ailleurs dans le monde a servi les intérêts de très nombreux politiques pour qui l’indépendance des banques centrales constitue un obstacle, voire une aberration. En matière d’économie, cette manipulation ne fait malheureusement que cacher la réalité. Elle ne la modifie pas.

vendredi 4 février 2011

Le retour des ventes à découvert

A l’heure même où les politiques s’acharnent à dénoncer les effets de la « spéculation » sur les cours des matières premières (voir ci-dessous), les ventes à découvert sur les valeurs financières, interdites au plus fort de la crise (le 19 septembre 2008 pour être exact), sont de nouveau autorisées sur la place parisienne depuis le 1er février. Rappelons que le mécanisme de la vente à découvert consiste à emprunter un actif dont on pense que le prix va baisser pour le vendre puis le racheter, à un prix inférieur si possible. Voici deux ans, les responsables européens – les Français en tête – avaient le « sentiment » qu’un lien existait entre la hausse de la volatilité et les ventes à découvert. Sans attendre les conclusions des études lancées sur le sujet, ils avaient pris la liberté d’interdire les ventes à découvert, plus ou moins largement. Par la suite, tous les rapports publics ou privés avaient conclu à l’utilité des ventes à découvert. En juin dernier, nous citions notamment celle menée par Veljko Fotak et intitulée « Naked Short Selling : The Emperor’s New Clothes ? ». Elle soulignait la chose suivante : la vente à découvert, « loin d’être une pratique ‘maléfique’, est bénéfique. Elle apporte en effet de la liquidité et réduit la volatilité. Ainsi, une hausse de 0,1 % de la vente à découvert sur un titre en réduit de 5 % la volatilité ». En les supprimant et en changeant les règles en pleine tempête, les politiques pourraient donc avoir accru, et non réduit, la volatilité. Ils devraient aujourd’hui s’en souvenir avant d’évoquer une nouvelle fois des liens imaginaires...

Quand la démonstration n'est plus utile...

La « spéculation financière » sur les matières premières est dans le collimateur des pouvoirs publics. Face à la flambée des prix agricoles, le peuple veut en effet un coupable ; les politiques vont donc lui servir sur un plateau. Dans le contexte économique actuel, le coupable idéal est déjà honni par la population : il s’appelle « banque », « financier » ou encore « marché ». Il serait idiot de ne pas en profiter en chargeant la barque un peu plus... Mais, ô surprise, une étude menée par Bruxelles a été incapable de conclure à l’existence de liens probants et démontrables entre l’activité des marchés et des produits dérivés et la formation des prix agricoles. Cela a-t-il conduit les politiques à reconsidérer leur position ? Absolument pas. « Nous savons que ces liens existent et nous agirons en conséquence », a ainsi affirmé le Commissaire au marché intérieur, Michel Barnier. Et notre ministre de l’Agriculture d’ajouter : « Il me paraît évident (...) que cette volatilité est accrue par la spéculation financière ». Au diable la démonstration, place donc au savoir inné, au sentiment, voire au « feeling ». Tant pis pour le procès et les preuves, l’échafaud est déjà monté. Faisons vite. Les marchés ont besoin de régulation ? Mais qui régulera les politiques ?