mercredi 30 mars 2011

Partage des profits : faux constat et fausse solution

En basant sa réflexion sur un faux constat, l’exécutif ne peut apporter que de mauvaises solutions à ce qu’il considère d’ailleurs à tort comme un problème. Ces solutions pourraient en outre se révéler néfastes selon le principe désormais classique du « ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas ». Las, la rationalité et le raisonnement ne sont pas de mise dans le sujet du « partage des profits ». Souvenez-vous, le Président de la République avait évoqué en 2009 la règle des trois tiers : un  tiers des bénéfices pour les actionnaires, un tiers pour les salariés et un tiers pour les investissements. Et ce au prétexte que la part des profits versée aux actionnaires aurait fortement augmenté ces dernières années, au détriment de celle allouée aux salariés. Aucune étude ne démontre ce qui est considéré comme un fait « insupportable », pour reprendre les propos de Nicolas Sarkozy. Pour la simple raison que les dividendes, les salaires et l’investissement ne peuvent être tout simplement comparés de part les réalités totalement différentes auxquelles ils renvoient. Notons par ailleurs que les rémunérations ne représentent pas un, mais plutôt deux tiers de la valeur ajoutée des entreprises, comme l’a souligné Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’Insee. Conviendrait-il alors de « baisser » les salaires pour se conformer au dogme élyséen des trois tiers ? Tout cela n’est donc pas très sérieux et répond à une nécessité électoraliste. Pour autant, Xavier Bertrand, le ministre du Travail, est dernièrement revenu sur le sujet. S’il n’a pas repris à son compte la solution préconisée par Nicolas Sarkozy, ce dernier entend cette fois lier l’évolution de la participation au sein des entreprises au montant des dividendes distribués. Là encore, l’exécutif compare deux choses qui ne peuvent l’être. Et oublie, par ailleurs, qu’il a en trois ans fiscalisé les versements aux salariés entrant dans le cadre de la participation de manière croissante (impôt nul en 2008, puis de 2 % en 2009, de 4 % en 2010 et de 6 % en 2011). Certaines rumeurs font état d’une fiscalité rehaussée à 19 % sur les montants distribués dès l’année prochaine, comme le préconise d’ailleurs la Cour des comptes... Faites ce que je dis, pas ce je fais. Par ailleurs et en contraignant les entreprises à accroître les montants versés aux salariés dans le cadre de la participation, le gouvernement parviendrait in fine à augmenter l’assiette de l’impôt pesant sur cette dernière. Du « grand art », sous couvert évidemment de justice sociale et de juste redistribution des fruits de la croissance...

jeudi 24 mars 2011

Les collectivités locales ne veulent pas payer

Regroupés au sein d’une association, neuf élus de la République ont décidé de conduire des actions judiciaires contre les banques qui ont permis à leurs collectivités de contracter des emprunts toxiques. Ces élus reprochent aux établissements d’être aujourd’hui « intraitables » et de traîner des pieds pour renégocier des charges d’emprunts devenues « excessives ». 
Mais revenons quelque peu en arrière. Au début des années 2000, plus exactement, lorsque les collectivités locales vont trouver les banques pour s’endetter. Problèmes : les prêts classiques ne sont guère rémunérateurs pour ces dernières tandis que les collectivités souhaitent bénéficier du meilleur taux possible. Qui dit meilleur taux, dit en effet plus grande capacité d’emprunt. Sur ce point, la logique est toujours la même. Une solution permet de satisfaire tout le monde : les emprunts structurés. D’une part, ces produits complexes permettent aux banques de s’octroyer une meilleure marge. D’autre part, ils réduisent le taux d’emprunt des collectivités. Du moins dans un premier temps... Le taux de ce crédit est en effet fixe et attractif au départ de l’emprunt mais variable par la suite. Il peut ainsi être indexé sur un taux de change, un écart de taux d’intérêt entre deux devises, le pétrole, etc.. Dans les faits, le prêt classique à taux fixe est accompagné de la vente à découvert d’une option d’achat ou de vente sur un sous-jacent. Ce sont les liquidités générées par cette cession qui viennent réduire le coût de l’emprunt. Or, plus la volatilité est élevée, plus la prime est chère. Lorsque les collectivités ont cédé à la tentation, la volatilité des changes paraissait élevée aux yeux des professionnels. C’était donc, selon eux, le moment idéal pour vendre une option. Sauf que la crise est passée par là et que la volatilité s’est encore accrue. Pire, les paris réalisés se sont avérés désastreux. Au final, les collectivités ont vu le taux variable de leurs emprunts structurés s’envoler. Désormais, on ne parle d’ailleurs plus d’emprunts structurés mais toxiques... 
Confrontés à ce phénomène, les responsables politiques des collectivités concernées ne veulent donc pas payer. Mais qui sont-ils ? Il est intéressant de constater que ce sont les élus communistes de Seine Saint-Denis qui ont été les plus grands amateurs d’emprunts structurés... Ceux-là mêmes qui se font les plus virulents contre les marchés financiers et leurs produits dits complexes. Les banques seraient donc responsables ? Mais qui est en charge de la gestion publique ? Qui a tiré profit, pendant un temps, de la comptabilité opaque des collectivités qui permet de ne pas provisionner les pertes latentes et ainsi de masquer la réalité aux contribuables ? Qui a basé les prévisions budgétaires des collectivités sur la base d’un taux bonifié qui serait, on ne sait pourquoi, devenu la normalité ? Personne n’est venu forcer la main de ces élus dont l’impéritie n’a d’égal que leur mauvaise foi. Cette manœuvre judiciaire n’a d’ailleurs qu’un objectif : éviter que l’attention du public ne se porte sur les vrais coupables...

mercredi 23 mars 2011

Comme tous les ans

Comme tous les ans, les entreprises du CAC 40 publient leurs comptes au titre de l’exercice qui vient de s’achever. Comme tous les ans, ces profits s’élèvent à plusieurs milliards d’euros, soit 82,6 Mds € pour l’année qui nous occupe contre 47 Mds € en 2009, au plus fort de la crise. Comme tous les ans, la presse titre sur ce fait presque purement comptable et cherche à en faire un évènement lourd de sens, la « palme » revenant à L’Humanité qui ose un « Comment le CAC 40 pille la France ». Comme tous les ans, Total et d’autres grandes sociétés sont pointées du doigt par les démagogues de tout bord au motif que le montant de leurs bénéfices relèverait de l’indécence, voire de la spoliation. Comme tous les ans, ces derniers feignent d’oublier que les bénéfices financent les investissements et les emplois, directs ou indirects et qu’ils rémunèrent les propriétaires légitimes du capital. 72 635 postes sont à pourvoir en 2011 dans les sociétés composant l’indice parisien de référence (source : sociétés). Comme tous les ans, les tenants du jusqu’au-boutisme étatique réclament l’instauration d’une taxe additionnelle sur les bénéfices sous couvert de « justice sociale » et de « juste répartition » des fruits de la croissance qu’ils s’escriment pourtant à combattre. Comme tous les ans, les entreprises du CAC 40 verseront des dividendes, soit environ 40 Mds € en 2011 au titre des profits réalisés en 2010 pour un taux de redistribution des profits de 45 %. Comme tous les ans, le montant de ces derniers sera là encore mis en avant par ceux qui désirent opposer les actionnaires – de véritables milliardaires comme le laisserait entendre le montant vu plus haut – aux salariés. Comme tous les ans, aucun de ces parangons de vertu ne sera en mesure de calculer le rendement moyen de l’indice, à savoir 3,8 %. Comme tous les ans, il sera aisé de comparer ce taux de rémunération à celui garanti du Livret A, soit 2 % depuis le 1er février, et de juger que le risque est vraiment bien peu considéré, a fortiori lorsque l’on se penche sur le parcours chaotique des actions ces dernières années. A l’année prochaine...

mercredi 9 mars 2011

Les réserves chinoises de pétrole ? Quelles réserves ?

Dans un entretien accordé au journal hong-kongais Mingpao, Chen Geng, un ancien dirigeant de PetroChina et membre du Comité chinois des Affaires économiques et financières, a fait une révélation étonnante. Selon lui, la Chine ne détient que 12 millions de tonnes de pétrole dans le cadre de ses réserves stratégiques, ce qui équivaut à moins de deux semaines de consommation. A titre de comparaison, les stocks des pays occidentaux représentent en moyenne trois mois de consommation. 
L’ex-Empire du Milieu ne communique pas officiellement sur l’état de ses réserves. Alors qu’il importe 55 % de ses besoins en or noir, des stocks aussi minces constituent, si ces informations sont exactes, une menace importante. Dans un contexte marqué par une raréfaction de l’offre, les besoins de la Chine devraient inévitablement soutenir la hausse des cours. Et donc de l’inflation...

vendredi 4 mars 2011

Les marchés émergents (BRIC) ont-ils encore le vent en poupe ?

Sur les marchés occidentaux, les troubles politiques frappant le Maghreb et le Moyen-Orient ont déclenché une consolidation. Cette dernière, qui était par ailleurs techniquement devenue inévitable, demeure pour l’instant modérée. Sur les places émergentes, les conséquences des révoltes tunisienne, égyptienne, libyenne ou encore bahreinie s’avèrent en revanche d’ores et déjà bien plus importantes. Au-delà des considérations propres au marché pétrolier (va-t-on assister à une rupture de l’approvisionnement ?) ou aux entreprises (quid des investissements réalisés et des revenus générés dans ces pays ?), ces évènements vont remettre en question le statut privilégié des marchés émergents. Au cours des dernières années, les investisseurs ont en effet occulté le « risque pays » pour faire du « nouveau monde » leur marotte. Alors que les poussées inflationnistes des dernières semaines les incitaient déjà à corriger cet emballement, la cote des émergents va continuer de baisser, du moins pendant un certain temps. Les géants que sont les BRIC ne devraient pas être épargnés.

La chine poursuit son chemin

La grogne sociale couve déjà depuis un certain temps en Chine. Quel investisseur peut affirmer avec certitude que le pouvoir en place ne sera pas contesté au cours des prochains mois ? Et ce alors même que l’inflation complique chaque jour un peu plus la vie du milliard de chinois qui ne profitent pas de la croissance. Fin février, la Banque Populaire de Chine a une nouvelle fois et sans surprise durci sa politique monétaire en relevant de 50 pts de base les ratios de réserves obligatoires des établissements bancaires. Son objectif reste d’éviter un dérapage des prix et de mettre fin à la bulle immobilière en bon ordre. La Réserve fédérale américaine a suivi le même chemin entre 2004 et 2007 avec le succès que l’on connaît... Bien que les économistes, affiliées ou non à Pékin, plébiscitent le savoir-faire des autorités, la Chine ne peut, selon nous, se sortir du piège dans lequel elle s’est enfermée. Le cycle de resserrements monétaires va donc se poursuivre... jusqu’à ce la première crise issue de son capitalisme dirigiste éclate véritablement. En attendant, la prudence l’emporte déjà chez les spécialistes de la région. Le stratégiste de la Banque HSBC à Hong Kong estime pour sa part qu’il faudra attendre jusqu’au 2ème semestre de 2011 avant que la Bourse n’encaisse les effets du durcissement monétaire actuel.

Inde, la lanterne rouge

L’inflation constitue le pire cauchemar de l’Inde, un pays où l’approvisionnement en denrées alimentaires est un défi quotidien, et ce même lorsque la croissance du PIB atteint 10 %. Logiquement et face à une inflation dépassant les 8 %, les investisseurs ont donc pris le parti de fuir la Bourse de Bombay : ils ont ainsi retiré 1,7 Md $ du pays depuis le début de l’année. Il est vrai que les actions indiennes avaient « surperformé » en 2010 pour afficher des valorisations largement supérieures à la moyenne mondiale. La Reserve Bank of India est toujours engagée dans un cycle de resserrements monétaires qui pourrait, au final, conduire à un net ralentissement de l’économie. Dans le même temps, le trop lent développement industriel ne permet pas d’absorber l’afflux de paysans sans emploi.

Brésil : en lutte contre l’afflux de capitaux

Créé en 2008, le fonds souverain du Brésil est désormais autorisé à réaliser des opérations sans limites sur le marché des changes en vue de freiner la hausse du real. Les investisseurs empruntent en effet à bon compte aux Etats-Unis et en Europe pour ensuite placer leurs liquidités au Brésil où la rémunération est très attractive (11,25 %). Ce phénomène, qui va bien au-delà des qualités de l’économie brésilienne, constitue un handicap pour l’excédent commercial du pays qui a d’ailleurs atteint un plus bas de huit ans. Face à une inflation de 5,9 %, le pays ne peut pourtant assouplir sa politique monétaire. Dans ce contexte, la Bourse tend à corriger.

La Russie est discrète

Comme l’ensemble des pays émergés ou émergents, la Russie souffre de l’inflation qui devrait dépasser 7 % en 2011. Pour autant, les investisseurs ne s’en inquiètent pas outre-mesure. L’inflation est en effet en partie liée à la flambée des cours du pétrole qui constitue le moteur de l’économie. Alors que les actions russes restent les moins valorisées des BRIC, la Bourse se distingue depuis le 1er janvier. 

Les actions des pays émergents et notamment des BRIC n’affichent pas de valorisation excessive pour un environnement normal. Mais si l’inflation dérape, le désaveu sera sévère.