lundi 24 janvier 2011

Place à l'immobilisme économique

« Il est plus logique de taxer les flux que le stock ». Tel est le nouveau credo de notre gouvernement, guidé sur cette voie par un Président de la République lui-même inspiré par ses plus proches conseillers. Pas un jour ne se passe sans que ce contre-sens économique ne soit asséné sur les ondes, et ce à quelques mois de la grande refonte fiscale annoncée pour cet été. Car il s’agit bien là d’un contre-sens qui s’inscrit aux antipodes des valeurs de travail et d’entreprise vantées en 2007 par Nicolas Sarkozy. Ce dernier a d’ailleurs beau asséné qu’il est plus logique de viser les flux – à savoir les revenus – que le stock – le patrimoine –, il se garde bien de nous en expliquer la raison. Ainsi, un particulier qui prend des risques pour investir, prospérer et contribuer à la croissance de son pays doit-il voir son initiative sanctionnée par l’impôt quand celui qui se contente de vivre sur l’érosion de son capital y échappe ? Certainement pas si l’on veut que ce pays retrouve le dynamisme économique qui lui fait tellement défaut. En taxant les flux plutôt que le stock, c’est pourtant cette vision illogique que le Président de la République souhaite imprimer à la France. Quitte à plonger définitivement notre pays dans l’immobilisme.

mercredi 19 janvier 2011

Un roman de la crise

Le mardi 11 janvier, France 2 diffusait un documentaire intitulé Fric, krach et gueule de bois : le roman de la crise. Il convient évidemment de saluer cette démarche à vocation pédagogique. Nous craignions toutefois que la simplification ne prenne le dessus et que l’idéologie dominante ne remplace le bon sens. Sur ce point, nous avons été servis. En premier lieu, le titre est en lui-même étonnant. Sa première partie (Fric, krach et gueule de bois) en dit long sur la manière dont le sujet va être abordé. L’utilisation d’un tel vocabulaire n’est jamais innocente. La seconde partie (le roman de la crise) se veut quant à elle sans appel : il n’y a qu’une vérité et nous allons vous la raconter. Nous aurions préféré « un roman de la crise ». Mais soit... Dès les premières secondes, l’extrait d’une interview de Bernard Tapie et des images de luttes sociales nous renseignent malgré tout sur la manière manichéenne dont cette histoire va nous être narrée. Allons-plus loin, toutefois. Etrangement, car sans aucune explication, ce roman « définitif » de la crise commence véritablement au début des années 1980 avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Le déluge est donc intervenu après eux et (presque) rien ne leur préexistait. Le monde « d’avant » est traité en quelques secondes et images chocs. Qu’on se le dise : la genèse de la crise actuelle tient à la responsabilité de ces deux parangons de l’ultra-libéralisme. Si ce dernier terme n’est pas employé, les extraits de leurs discours qui sont diffusés se chargent de faire passer le message.


La déréglementation ayant fait son office, le destin du monde est mis entre les mains des golden boys (« jeunes gens habillés par les meilleurs tailleurs », qui « gagnent en un instant des fortunes considérables » et qui, témoignage à l’appui, ne sont d’ailleurs que des drogués, au sens littéral du terme). « La valeur première n’est plus le travail mais l’argent », nous explique doctement Pierre Arditi qui fait office de « candide » (et de narrateur) face à Daniel Cohen, économiste de la fondation Jean Jaurès et à l’écrivain Erik Orsenna. Parallèlement à cette nouvelle « élite » émerge le personnage d’Alan Greenspan, sobrement qualifié de « nouveau guide d’un monde égaré » et « ami des marchés ». Face à l’explosion de la nouvelle économie entre 2000 et 2001, accentuée par les attentats du 11 septembre, le Président de la Réserve fédérale décide d’ouvrir les vannes du crédit afin de venir en aide à Wall Street, ce qui provoque une bulle immobilière, favorisée par des courtiers « peu scrupuleux ». Et conformément aux souhaits du Président George Bush qui veut multiplier le nombre de propriétaires... « Taper » sur Bush constitue ici une facilité. Rappelons ainsi que son prédécesseur, Bill Clinton, avait initié largement ce mouvement... Mais il est inutile d’être très précis  : seul le message compte. Longuement, le reportage fixe les pleurs d’une propriétaire expropriée qui aurait été trompée et dont la responsabilité dans la situation qui l’emploie n’est étrangement pas évoquée. Nous ne pouvons rien faire contre la bêtise humaine, dira en substance Alan Greenspan dans la suite du documentaire, même si la portée de son discours se trouve totalement travestie par le commentaire : « le marché ne peut pas tout », nous assène-t-on. 
La titrisation est évoquée brièvement, l’accent étant plus volontiers mis sur l’Etat, forcément bienveillant, qui vient au secours des banques, plombées par leurs actifs toxiques mais qui, dans le même temps et pour des raisons visiblement de basse lutte personnelle, laisse sombrer Lehman Brothers... La fin du documentaire, intitulée « une morale retrouvée  » n’a finalement que peu d’intérêt et relève de la conjecture : les golden boys d’hier vont se reconvertir dans le micro-crédit (son « inventeur », Mohammad Yunus, étant qualifié de «  Saint »), l’avenir est aux énergies renouvelables... 
Pour résumer, les financiers sont mauvais, l’Etat est bon et la réglementation notre salut. Rien que du très classique, surtout dans notre pays. Ce message, ô combien simpliste, est le seul que l’on puisse tirer de cet empilement de réflexions pré-mâchées qui vont dans le sens de l’opinion. Car le grand absent est paradoxalement l’Etat mais dans ce qu’il porte comme responsabilités dans la crise : l’Etat qui favorisera le crédit hypothécaire dans un but électoraliste en oubliant que le prix de la pierre peut baisser, l’Etat qui apportera sa signature (son triple A) à ces créances plus que douteuses, l’Etat qui fera et fait continuellement pression sur ceux qu’il a nommés à la tête des banques centrales pour abaisser les taux d’intérêt et dynamiser artificiellement la croissance, l’Etat qui se satisfera et se satisfait de la succession de bulles tant ses représentants redoutent l’assainissement pourtant inéluctable de l’économie qui leur serait fatal au plan électoral. 
Evidemment, la financiarisation à l’excès de l’économie porte sa part de responsabilité dans le marasme actuel. Le « courtermisme » (soulignons-le, Erik Orsenna revient dans ce documentaire sur cette véritable « maladie d’aujourd’hui ») est également pointé du doigt car il se substitue malheureusement à la recherche et l’investissement. Un tropisme qui touche également les individus, ne l’oublions pas. Plus que « le roman de la crise », c’est le roman économico-politique d’aujourd’hui qu’il conviendrait d’écrire. Avant que celui de demain ne nous oublie peut-être totalement à mesure que le barycentre de notre monde se déplace. Sur ce sujet d’ailleurs, nos trois intervenants n’auront guère été prolixes. Il est toujours difficile d’être spectateur d’un monde qui change.

lundi 10 janvier 2011

Quand les politiques rêvent de contrôler la BCE

Que pensent les gouvernements des pays du Vieux Continent de l’action de la Banque centrale européenne ? Voici la question à laquelle ont tenté de répondre deux économistes de l’institution en analysant les 767 déclarations de dirigeants politiques sur le sujet entre les années 2000 et 2007. Leur conclusion est relativement simple : les états souhaiteraient que la banque centrale adopte des taux plus bas. Plus de 60 % des déclarations appellent en effet à une politique monétaire plus agressive tandis que seulement 5 % demandent un loyer de l’argent plus élevé. Dans le détail, il ressort que « le taux directeur idéal » pour les gouvernements est en moyenne inférieur de 40 pts de base au taux communiqué par la BCE. Les pays qui demandent des taux plus « attractifs » sont par ailleurs ceux qui affichent une croissance faible ou un déficit élevé. Et pour cause : un faible taux facilite le financement de la dette... Au final, c’est véritablement l’indépendance de l’institution qui est visée. Après avoir abusé de l’arme budgétaire, les politiques sont en effet tentés de passer à l’arme monétaire, et ce pour pallier leurs faiblesses nationales...

jeudi 6 janvier 2011

La fin de l'ISF : un cadeau empoisonné

L’Impôt sur la Fortune va être supprimé ! Voilà ce qu’ont voulu retenir les commentateurs de l’entretien télévisé accordé par le Président de la République en novembre dernier. Faut-il s’en féliciter ? Ce serait aller un peu vite en besogne... Pour commencer, Nicolas Sarkozy a bel et bien évoqué la suppression de l’ISF dans sa forme actuelle mais pour annoncer « la création d’un nouvel impôt sur le patrimoine ». Si l’on veut être précis,  il ne s’agit donc pas d’une suppression mais d’un remplacement. Le Président souhaite toujours taxer le patrimoine mais différemment, voire plus. Selon lui, « l’erreur faite dans les années passées, c’était de taxer le patrimoine alors qu’il vaut mieux taxer les revenus du patrimoine et les plus-values du patrimoine ». Surprenant constat... Ces revenus et ces plus-values ne sont-ils pas déjà taxés au titre de l’impôt sur le revenu, justement ? Depuis trois ans, la pression fiscale s’est même accentuée, notamment sur les plus-values boursières. Comme le soulignait le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) dans son dernier rapport sur le patrimoine des ménages, la France taxe lourdement la détention du patrimoine mais sa fiscalité sur les revenus de ce dernier la situe également dans la fourchette haute. Et pour cause puisqu’en dix ans, le poids des contributions sociales qui s’appliquent sur ces revenus a augmenté de 387 % quand ces derniers n’augmentaient que de 46 % sur la même période. « L’erreur faite dans les années passées » n’est donc pas d’avoir omis de taxer les produits du patrimoine, mais plutôt de ne pas avoir cherché à redresser les comptes publics et notamment ceux de la Sécurité sociale. Avant d’annoncer une grande réforme de la fiscalité pour le mois de juin prochain – ce qui contribue une nouvelle fois à plonger les particuliers et les entreprises dans l’incertitude –, le gouvernement actuel devrait plutôt lancer un vaste chantier de révision des dépenses. N’est-ce pas là l’urgence pour un budget qui n’a plus atteint l’équilibre depuis trente ans alors même que la pression fiscale ne faisait qu’augmenter ? Les politiques purement électoralistes, visant à promettre un semblant de disparition de l’ISF (que tous les experts jugent d’ailleurs impossible compte tenu de la complexité des mécanismes de défiscalisation) ou à fonder un budget sur une prévision de croissance fantaisiste (dix-huit des vingt dernières l’ont été), doivent être rangées au placard. L’endettement public n’est pas lié à un déficit de recettes mais bel et bien à une absence de gestion de l’État. Maquiller, modifier ou remplacer l’ISF n’y changera rien.

Le bilan des Favorites

Au sein de la lettre boursière Propos Utiles, les Favorites, pour lesquelles la liquidité (volume quotidien de transaction) doit être optimale, ont vocation à figurer en portefeuille sur le long terme. Outre un bilan solide, ces entreprises possèdent des perspectives de croissance durable de l'activité et du résultat, ce qui n'exclut pas des phases d'incertitudes (mutation, restructuration, etc.). Selon ces évolutions, nous renforçons ou au contraire allégeons les positions (+/- 50 % ou -/+ 25 % de la mise initiale lorsqu'une limite est atteinte). Voici le bilan des opérations concrétisées au cours de l'année 2010 :


L’indice CAC 40 a beau avoir fait du surplace, les opportunités de manœuvres étaient nombreuses. Nous avons ainsi peu ou prou effectué le même nombre d’opérations qu’en 2009.

* : ces opérations constituent des ventes/allégements successives. La performance est calculée sur l’avant dernier achat/renforcement s’il y en a eu un ou à nouveau sur le dernier. Dans ce cas, la position sur la valeur est désormais inférieure à la mise de départ (le degré d’exposition est inférieur à 0).

Quel plafond pour la dette américaine ?

Alors que la dette publique américaine ne peut plus progresser que de 400 Mds $ avant d’atteindre le plafond fixé par le législateur à 14 300 Mds $, l’opposition au Congrès rechigne à augmenter cette limite. Ce qui a conduit Austan Goolsbee, qui dirige la commission des conseillers économiques de la Maison Blanche, à qualifier cet éventuel refus de « folie aux conséquences catastrophiques ». Et dire que certains observateurs faisaient l’erreur de croire que les irresponsables étaient ceux qui avaient conduit la dette sur ces niveaux records. Remercions M. Goolsbee de leur avoir ouvert les yeux !

mercredi 5 janvier 2011

La dette française recule... temporairement

Les chiffres sont formels : au 3ème trimestre 2010, la dette publique française a reculé à 1 575 Mds €, contre 1 592 Mds € au 2ème trimestre. La rigueur budgétaire, vers laquelle le gouvernement dit avoir orienté sa politique, aurait-elle déjà des effets positifs ? Hélas, non. Comme l’indique le ministère de l’économie, il s’agit d’un « effet purement technique de trésorerie ». Soucieuse de sécuriser ses émissions d’obligations dans un contexte incertain pour les pays européens, l’Agence France Trésor a en effet anticipé ses appels au marché lorsque les taux étaient historiquement bas. Elle avait donc d’autant moins d’obligations à émettre sur la fin de l’année 2010. L’inexorable mouvement de la dette française reprendra son cours en 2011. Nous voilà « rassurés »...