jeudi 6 janvier 2011

La fin de l'ISF : un cadeau empoisonné

L’Impôt sur la Fortune va être supprimé ! Voilà ce qu’ont voulu retenir les commentateurs de l’entretien télévisé accordé par le Président de la République en novembre dernier. Faut-il s’en féliciter ? Ce serait aller un peu vite en besogne... Pour commencer, Nicolas Sarkozy a bel et bien évoqué la suppression de l’ISF dans sa forme actuelle mais pour annoncer « la création d’un nouvel impôt sur le patrimoine ». Si l’on veut être précis,  il ne s’agit donc pas d’une suppression mais d’un remplacement. Le Président souhaite toujours taxer le patrimoine mais différemment, voire plus. Selon lui, « l’erreur faite dans les années passées, c’était de taxer le patrimoine alors qu’il vaut mieux taxer les revenus du patrimoine et les plus-values du patrimoine ». Surprenant constat... Ces revenus et ces plus-values ne sont-ils pas déjà taxés au titre de l’impôt sur le revenu, justement ? Depuis trois ans, la pression fiscale s’est même accentuée, notamment sur les plus-values boursières. Comme le soulignait le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) dans son dernier rapport sur le patrimoine des ménages, la France taxe lourdement la détention du patrimoine mais sa fiscalité sur les revenus de ce dernier la situe également dans la fourchette haute. Et pour cause puisqu’en dix ans, le poids des contributions sociales qui s’appliquent sur ces revenus a augmenté de 387 % quand ces derniers n’augmentaient que de 46 % sur la même période. « L’erreur faite dans les années passées » n’est donc pas d’avoir omis de taxer les produits du patrimoine, mais plutôt de ne pas avoir cherché à redresser les comptes publics et notamment ceux de la Sécurité sociale. Avant d’annoncer une grande réforme de la fiscalité pour le mois de juin prochain – ce qui contribue une nouvelle fois à plonger les particuliers et les entreprises dans l’incertitude –, le gouvernement actuel devrait plutôt lancer un vaste chantier de révision des dépenses. N’est-ce pas là l’urgence pour un budget qui n’a plus atteint l’équilibre depuis trente ans alors même que la pression fiscale ne faisait qu’augmenter ? Les politiques purement électoralistes, visant à promettre un semblant de disparition de l’ISF (que tous les experts jugent d’ailleurs impossible compte tenu de la complexité des mécanismes de défiscalisation) ou à fonder un budget sur une prévision de croissance fantaisiste (dix-huit des vingt dernières l’ont été), doivent être rangées au placard. L’endettement public n’est pas lié à un déficit de recettes mais bel et bien à une absence de gestion de l’État. Maquiller, modifier ou remplacer l’ISF n’y changera rien.

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